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Saturday, November 30, 2019

Intelligence artificielle

By Patricia Heintz, Congrestolken


Au début des années 80 du siècle dernier, nos professeurs, que ce soit au cours de traduction ou d’interprétation, nous mettaient en garde : « dans un proche avenir les ordinateurs vous remplaceront ». C’était tout au début des programmes de traitement de texte, des téléphones portables. Nous, on ne les croyait pas vraiment …. depuis l’intelligence artificielle s’est développée à vitesse supersonique.

Partant de la simple traduction de mots dans un texte écrit, nous avons vu apparaître des logiciels de traduction et, de nos jours, des milliers de personnes arrivent à comprendre la signification d’un texte dans une langue étrangère tout simplement en le chargeant sur « Google Translate ». Le logiciel « lira » même le texte dans la langue désirée. La reconnaissance vocale n’est plus une chimère imaginée par un quelconque auteur de roman de science-fiction.

Quarante ans plus tard, je contemple ma carrière d’interprète et je me dis que les nouvelles technologies nous ont plutôt aidé (il n’est plus nécessaire de transporter des kilos de dictionnaires et pratiquement tous les documents de référence pour la préparation de réunions se trouvent en ligne). Notre profession a évolué, mais nous sommes toujours là et nous continuons à offrir un atout irremplaçable : notre capacité de déduction, de discernement et d’analyse.

J’aimerais présenter un exemple personnel : Nous sommes en train de refaire la cuisine dans notre maison de famille, une ancienne ferme dans le nord du Grand-Duché de Luxembourg. J’essaye de coordonner les travaux ainsi que l’achat du matériel entre les différents corps de métier.
Le Luxembourg est un adorable petit pays, enclavé entre l’Allemagne, la Belgique et la France. On compte dans sa population une forte immigration d’origine portugaise. Étant de nationalité luxembourgeoise, je me suis dit que je n’aurai aucun mal à me faire comprendre en franco-luxembourgeois. Je me trouvais donc entre le menuisier (Allemand originaire de la région de Prüm parlant le Plattdeutsch, mais convaincu de s’exprimer en luxembourgeois) et le carreleur (originaire de Portugal, vivant au Luxembourg depuis 5 ans et convaincu parler couramment le français).

Quel défi des plus intéressant !!! Toutes mes langues de travail, il ne manquait que l’anglais. 
La semaine dernière, les deux artisans s’exprimaient en parlant fort et très rapidement (j’imagine pour cacher les imperfections linguistiques). Et c’est là que je me suis dit que les mots ne signifiaient en fait pratiquement rien. Il a fallu tenir compte des personnalités individuelles, chacun ayant sa fierté nationale et professionnelle profondément ancrée. Ils ne voulaient que parler et non pas écouter. Entre les deux, il a fallu interpréter, en tenant compte des non-dits, des références culturelles et historiques, des expressions du visage, des gestuelles tout en essayant de comprendre les termes techniques et trouver leur traduction dans 4 langues. Et c’est là que je me suis dit que ce n’est pas encore demain que nous serons remplacés par des machines, même dites « intelligentes ».